Le droit à l'image



Il y a une chose que vous devez savoir quand vous publiez un film ou une photo avec des personnes dedans (comédiens ou modèles dans l'exercice de leur profession ou civils sur les lieux publiques et privés), c'est la question du droit et de la diffusion de l'image.

Dans le milieu professionnel, cet aspect est à la charge de la production, mais si vous faîtes du montage tout seul chez vous, il serait bon que vous soyez au courant de ces droits.

Note : je ne vais traiter de la question des droits qu'uniquement pour la France. Pour toute question sur un pays étranger, se renseigner auprès du pays en question (vous pouvez contacter les ambassades, elles seront à même de vous renseigner).

Le droit à l'image reconnait à toute personne le droit de disposer de son image, et d'en autoriser ou interdire la reproduction et/ou la diffusion, gratuitement ou non. Cependant, il est important de noter que le droit à l'image en tant que tel n'existe pas. Il s'agit surtout de droits s'appuyant sur le respect de la vie privée, la diffusion d'images nuisant à l'intimité ou à l'honneur de la-dite personne.

Ainsi, selon l'article 9 du code civil :
Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.


Vous l'aurez sans doute compris, il n'est pas question d'image ici, mais d'atteinte à l'intimité. Ainsi, il est parfaitement possible de filmer qui que ce soit sans que cela ne constitue un délit. C'est la diffusion qui peut être répréhensible. Mais tant que les images capturées ne sont pas diffusées dans la presse, sur le web ou autre, vous ne courrez aucun risque légal (même si vous conviendrez qu'il peut être désagréable d'avoir en face de soi une personne avec une caméra allumée et pointée dans votre direction).

Aussi, il convient, avant toute diffusion, d'obtenir un droit de diffusion, c'est à dire un papier daté et signé où une personne accepte d’apparaître dans un cadre donné.

L'autre solution est de rendre méconnaissable la personne. En effet, un arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2008 autorise le recours à des moyens conciliant la liberté de la presse et le respect de la vie privée, tels que les techniques du « floutage, la pixellisation ou l'apposition d'un bandeau sur le visage des personnes représentées ».

En cas de non respect, l'article 226-1 du code pénal (ainsi que 226-2 et 226-8) prévoient les sanctions suivantes :
Article 226-1

Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 € d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
- En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel.
- En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

Article 226-2
Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1. 

Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

Ce dernier article est très intéressant, car il nous apprend que la presse a un droit différent de toute autre personne. Mais ne nous méprenons pas, la presse ne peut pas faire tout et n'importe quoi, sous couvert d'informer les gens. Car même si la Déclaration Française des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 stipule :
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. (Article 11),
la liberté de la presse est régie par les lois du 29 juillet 1881.

Cette loi, votée sous la 3eme république, encadre l'action des médias (dont la publication de photos d'autrui), et défini leurs responsabilités et leur cadre légal. Je ne vais pas m'étendre là dessus, car ce n'est pas le but de ce billet, et de toute façon si vous êtes journaliste, vous devez connaitre ces lois. Sachez cependant que toute action contraire à ces lois est un "délit de presse" (publication de fausses nouvelles, diffamation, atteinte à l'honneur d'un citoyen, offense au président de la république...) et est sanctionné par la loi.

A noter que la Cour Européenne des Droits de l'Homme considère la liberté de la presse comme une composante de la liberté d'expression.

N'oublions pas que la loi encadre spécifiquement le droit à l'image des mineurs, surtout lorsqu'il y a un caractère sexuel ou pornographique dans la représentation. En effet, pour les enfants de moins de 18 ans, il est prévu, selon l'article 227-23 du code pénal :
Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque l'image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans, ces faits sont punis même s'ils n'ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation.

Le fait d'offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines. 

Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de communications électroniques. 

Le fait de consulter habituellement ou en contrepartie d'un paiement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation, d'acquérir ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. 

Les infractions prévues au présent article sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 500 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises en bande organisée. 

La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines. 

Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l'enregistrement de son image.

Il faut bien se rendre compte que cet article, s'il protège les mineurs, s'ajoute aux articles cités plus haut. D'autres lois protègent l'image d'un mineur, d'un contenu autre que pornographique. On peut notamment citer l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 :
Est puni de 15 000 euros d'amende le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l'identité ou permettant l'identification :
- d'un mineur ayant quitté ses parents, son tuteur, la personne ou l'institution qui était chargée de sa garde ou à laquelle il était confié ;
- d'un mineur délaissé dans les conditions mentionnées aux articles 227-1 et 227-2 du code pénal ;
- d'un mineur qui s'est suicidé ;
- d'un mineur victime d'une infraction.Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la publication est réalisée à la demande des personnes ayant la garde du mineur ou des autorités administratives ou judiciaires.

Sachez donc que pour un tournage incluant un ou plusieurs enfants de moins de dix huit ans, il vous faut, en plus de l'autorisation des parents ou du tuteur légal, faire une déclaration à la DDASS et qu'un représentant de la DDASS soit présent au tournage. Autrement, vous tombez sous le coup de la loi. Si vous êtes monteur au sein d'une production, les responsabilités sont pour le producteur. Mais soyez préventif. Si vous avez des rushes avec des enfants, envoyez un mail à la production pour vous assurer que tout est en règle. Personne ne pourra vous reprocher de ne pas faire votre travail, ni de ne pas être professionnel.

Et enfin, sachez qu'au cours de mes recherches, je suis tombé sur un article dont j'ignorais l'existence : le Droit au respect du corps humain. Tel qu'il est prévu dans l'article 16-1-1 du code civil :
Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.

Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Par un arrêt de la Cour de Cassation du 22 octobre 2009, la jurisprudence prévoit que « si les proches d'une personne peuvent s'opposer à la reproduction de son image après son décès, c'est à la condition d'en éprouver un préjudice personnel établi, déduit le cas échéant d'une atteinte à la mémoire ou respect dû au mort ». Un tribunal peut demander la preuve d'un préjudice subi.

2 commentaires:

  1. T'es avocat dans la vie? Non, parce que lire tout ces trucs, c'est saoulant. Alors, les écrire, j'aurai pas pu.

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    1. Non, je suis juste monteur, et depuis peu producteur aussi. Je trouve du coup important de connaitre l'aspect juridique du métier. D'où ces recherches. Et dans un même temps, pourquoi ne pas les partager?

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